Toc chez l'enfant
LE TROUBLE OBSESSIONNEL COMPULSIF (TOC) DE L’ENFANT
INTÉRÊT DU DIAGNOSTIC PRÉCOCE:
-il y aurait entre 1 et 3 % des enfants et des adolescents de moins de 16 ans qui souffrent de TOC nettement pathologique.(1-2-3)
– 80% des adultes souffrant de TOC ont débutés leur trouble dans l’enfance ou l’adolescence (âge moyen 11 ans) mais le plus souvent la demande d’aide n’est survenue que vers 24 ans,le diagnostic correct seulement posé a 30 et le traitement instauré à 31 ans……(4-5)
SPECIFICITES CLINIQUES DU TOC DE L’ENFANT
(Hantouche,Kochman)(6) -moins ou pas d’égodystonie(l’enfant banalise le trouble et ne le pense pas indésirable)
-Ignorance qu’il s’agit d’une maladie,n’en parle pas à son entourage(donc diagnostic tardif)
-Obsessions et compulsions multiples et fluctuantes(jusqu’à 20 TOC concomitants)
-Implication de l’entourage familial dans les rituels avec parfois attitudes autoritaires et tyranniques
-crises de colère,agressivité manifeste en cas d’interruption des rituels
Pour avoir un diagnostic de TOC selon le DSM IV, il faut à la fois des obsessions et des compulsions. Mais il n’est pas rare,surtout en début d’évolution,d’observer des rituels compulsifs en absence d’obsessions identifiables.(7)
CLINIQUE DU TOC INFANTILE
(8-9-14) Obsessions les plus fréquentes chez l’enfant:
-thèmes de contamination ou de souillure(40%)
-peur d’un malheur à soi ou aux autres(24%)
-peur d’oublier quelque chose ou de faire des erreurs(17%)
-besoin de symétrie
-pensées interdites
-besoin de dire des formules,des prières
Compulsions les plus fréquentes chez l’enfant:
-rituels de lavage (85%)
-répétitions (51%)
-toucher(20%)
-vérifications,listes
-rangements,accumulations
-prières,superstitions
OBSESSIONS,DU NORMAL AU PATHOLOGIQUE
(d’après Hantouche EG, Kochman F) (6)
NORMALES PATHOLOGIQUES
*
TRAITEMENT DES ENFANTS SOUFFRANTS DE TOC
Diverses prises en charges semblent utilisées en france avec plus ou moins de succès(psychanalyse,psychothérapie familiale analytique,thérapies familiales systémiques, pharmacothérapie en particulier la Sertraline® chez l’enfant jeune,thérapies cognitivo-comportementales).(6-9-11)
Pour ma part, après des résultats souvent mitigés en utilisant uniquement de l’hypnose assez directe, j’ai été assez déçu de ne trouver aucune piste d’inspiration chez Erickson ni les Ericksonniens….La littérature sur les TOC faisant en permanence référence aux thérapies cognitivo-comportementales comme seul traitement ayant prouvé son efficacité sur les TOC chez l’adulte , j’ai cherché à comprendre ce que proposaient les comportementalistes chez l’enfant et l’adolescent.
Récemment, March et Mulle proposaient chez les adolescents un outil intéressant bien qu’un peu rigide et stéréotypé , donc peu créatif et surtout difficilement utilisable chez l’enfant d’age préscolaire.(14-15).
Même dans un contexte de thérapies dites brèves,la prise en charge d’un TOC de l’enfant est un travail lourd, long et astreignant. Il nécessite souvent de 25 a 30 séances sur 6 mois à 1 an et une grande disponibilité tant de la part des parents , de l’enfant que du thérapeute.
L’inspiration Ericksonienne pour librement adapter ce protocole en tenant compte des contraintes techniques liées à l’age et de la nécessité personnelle de travailler confortablement et en souplesse m’ont amené , après bien des tâtonnements ,à proposer un outil différent. Celui-ci utilise la trame cognitivo-comportementale lourde et rigide (mais très sécurisante pour les enfants ayant des TOC et pour leurs parents) , en y incluant l’hypnothérapie pour favoriser l’exposition avec prévention de la réponse (15). Cette technique est facilement utilisable pour un ericksonien habitué a travailler avec des enfants et s’avère étonnement efficace.
PROTOCOLE TYPE
(TEL QUE PRESENTÉ A L’ENFANT ET AUX PARENTS)
(intérêt majeur pour rassurer les familles en leur proposant un outil formaté, prévisible et quasi “obsessionnalisé” qui devient presque une prescription de symptôme en soi) très librement inspiré de March et Mulle(14-15)
- Semaine 1: Établir le TOC comme une maladie
- Semaines 2 et 3: “Cartographier” le TOC (Child Y-BOCS, échelle de Leyton)(15)
- Semaines 4 à 23: Entraînement a la gestion de l’anxiété, Exposition avec prévention de la réponse avec hypnose. Construction de la métaphore thérapeutique filée.
- Semaines 1,2,3,10 et 24 Séances avec les parents pour évaluation,, expliquations et mise au point.
- Semaines 28, 32 et 52: Séances de “rappel” en présence des parents.
QUELQUES RÈGLES
- le travail avec les familles est incontournable dés la première séance et tout au long de la thérapie. Il nécessite de clairement expliquer que le TOC est une maladie et non un signe de mauvaise volonté ou un caprice puis d’expliquer tout aussi clairement le protocole thérapeutique
- le véritable travail thérapeutique officiel structuré ne commence que quand la famille est totalement d’accord et impliquée (cela peut prendre 3 ou 4 séances voire plus…)
- le bilan de départ est essentiel pour objectiver les progrès et les difficultés (Child Y-BOCS, échelle de Leyton)(15) et sera régulièrement effectué (S2-S10-S20…)
La phase thérapeutique officielle ne commence qu’après avoir fait ces bilans , rempli les 3 ”boites” ericksoniennes (résistances, ressources et contexte) et déterminé l’orientation sensorielle de l’enfant.(16-20)
SÉANCE TYPE
Chaque semaine , aussi longtemps que nécessaire, une séance type comporte 3 phases plus ou moins intriquées:
- phase d’évaluation des symptômes et des taches accomplies dans la semaine précédente (en utilisant un carnet de bord ou l’enfant dessine ou écrit , selon son age)
- phase d’ hypnothérapie (en insistant sur le suivi et la progression des métaphores utilisées, avec l’inclusion d’une séance d’Exposition avec prévention de la réponse in vitro au cours de la métaphore thérapeutique)
Quel qu’en soit le thème (à adapter selon l’enfant et ses “3 boites”), la métaphore thérapeutique utilisera le concept de réduction d’une zone abîmée ou dangereuse ou douloureuse et l’augmentation d’une zone restaurée, sure ou confortable avec une évolutivité. Assez souvent , et de manière assez peu classique , je pense qu’il est très utile pour les TOC de réutiliser la même trame métaphorique au fil des séances en la faisant évoluer et progresser,comme un fil rouge que l’on retrouve d’une fois sur l’autre mais évoluant dans le temps et en améliorant la symptomatologie . La technique de construction de cette métaphore filée ,elle même , reste assez classique (16-16 bis-17) et l’induction hypnotique (20) dépendra comme toujours de l’age de l’enfant et de son orientation sensorielle préférentielle.
C’est par exemple pour cet enfant de 8 ans, ritualisant des lavages incessants, l’histoire d’un petit dinosaure fuyant le déluge et se réfugiant dans une grotte montagneuse . L’enfant peut suivre l’évolution du déluge a travers les sens et les émotions du petit dinosaure,puis percevoir l’ atténuation de la pluie, le soleil qui apparaît et sèche lentement la vallée inondée qui l’empêche encore de rejoindre la petite dinosaurette (ou copain ou parent dino) réfugiée sur l’autre montagne avec qui il peut cependant échanger des mots d’encouragement et de patience.
Toute cette progression se fait au fil des rendez-vous, l’enfant reprenant souvent l’histoire la ou elle était restée la semaine précédente, avec parfois des rechutes (d’eau bien sur ) et des peurs entretemps..mais toujours en acceptant de s’exposer progressivement et métaphoriquement à sa peur, à ses obsessions et en supprimant régulièrement certains rituels.
La technique des métaphores imbriquées de Stephen Lankton(18-18 bis) ferait en plus , s’endormir ce petit dinosaure dans sa grotte et le faire rêver qu’il est un humain adolescent d’une Heroic fantaisy qui affrontera par exemple des épreuves rituelles de purification (sur un mode d’ Exposition avec prévention de réponse). Quand le dinosaure se réveille de cette sieste,la suite de son histoire se poursuit. Ces métaphores imbriquées permettent d’ intriquer la peur dans un “safe-place” sans mettre en danger l’enfant lui même. Il peut ainsi prendre dans plusieurs niveaux de lecture, de sensorialité sans jamais être lui même menacé et ainsi progresser assez confortablement.
-phase de prescription de taches et/ou de symptômes pour la semaine à venir.
Au bout d’un temps plus ou moins long, l’exposition avec prévention de la réponse peut se faire in vivo (d’abord au cabinet et en ma présence, puis sans moi mais au cabinet, puis hors du cabinet).
Il va sans dire qu’il est en fait assez rare d’avoir besoin des 25 séances et qu’on arrive souvent à faire la “bonne surprise “ aux enfants et aux parents de rendre le symptôme quasi inexistant en 5 ou 6 séances d’hypnothérapie. J’ai par exemple très récemment été le plus étonné de faire passer un pré-adolescent de 12 ans de 10 (dix !!!) heures de rituels de lavage quotidiens depuis 8 mois à seulement 15 minutes matin et soir en 7 séances d’hypnothérapie de ce type.Il va sans dire que cela implique bien sur de ne pas rester dans les métaphores uniquement au niveau du symptome mais d’y integrer toute le contexte familial et scolaire (plus ou moins problematiques eux même)
CONCLUSION
Cette adaptation des techniques cognitivo-comportementales a un esprit Ericksonien m’a permis de me sentir enfin à la fois à l’aise et efficace pour aider des enfants souffrants de TOC que la seule hypnose ne me permettait pas d’améliorer correctement.
L’ hypnothérapie (cad l’hypnose au service d’une stratégie, même cognitivo-comprtementale) me semble une réelle différence et nous rappelle qu’ Erickson n’ hésitait pas à employer divers outils bien différents pour obtenir le résultat souhaité.(20)
Dr Jean-François Marquet
Pédo-Psychiatre – Rennes
Ex-Président de l’IMHERB (Institut Milton Erickson Rennes Bretagne)
BIBLIOGRAPHIE
(1):FLAMENT MF,KOBY E,RAPOPORT JL,BERG CJ,ZAHNT,COX C,DENCKLA M ,LELANE M.
Chilhood obsessive-compulsive disorder: a prospective follow-up study.
J Child Psychol Psychiat 1990;31:363-80.
(2):FLAMENT MF,WHITAKER A,RAPOPORT JL,DAVIES M,BERG CZ,KALIKOW W,SHAFFER D.
Obsessive-compulsive disorder in adolescence:an epidemiological study.
J Am Acad Child Adolesc Psychiatry.1988 Nov.;27(6):764-71.
(3):MARCH JS,LEONARD HL.
Obsessive-compulsive disorder in children and adolescents: a review of the past 10 years. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry.1996 Oct;34(10):1265-73.
(4)HOLLANDER E,KNOW JH,STEIN DJ.
Obsessive-compulsive and spectrum disorder: overview and quality of life issues.
J Clin Psychiatry,1996,57 (supl 8):3-6.
(5) PAUL DL. A family study of obsessive-compulsive disorder.
Am J Psychiatry, 1995,152:76-84
(6)KOCHMAN F, HANTOUGE E-G.
Le trouble obsessionnel compulsif chez l’enfant in Actualités en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent P FERRARI,Medecine-sciences Flammarion 2001 ;214-221.
(7) -AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION ; DSM-IV
Ed Masson,1996,ISBN 2-225-85047-X.
(8)SWEDO SE,RAPOPORT JL,LEONARD HL,LENANE M,CHESLOW D
Obsessive-compulsive disorder in chidren and adolescents:clinical phenomenology of 70 consecutive cases. Arch Gen Psychiatry;1989,46:335-341.
(9)BOUVARD M.Le trouble obsessionnel-compulsif chez l’enfant et l’adolescent:aspects développementaux et stratégies thérapeutiques.
L’Encéphale, 1995; XXI:51-57
(10)HANTOUCHE EG,Troubles obsessionnels compulsifs
Encyclopédie Médico-Chirurgicale (Paris)37-370-A-10.
(11)MARCH JS,BIEDERMAN J,WOLKOW R, SAFFERMAN A et al
La sertraline chez l’enfant et l’adolescent souffrant de trouble obsessionnel-compulsif:une étude multicentrique , randomisée et contrôlée.
JAMA 1998;280:1752-56
(12)MARCH JS,FRANKLIN M,NELSON A ,FOA E
Cognitive-behavioral psychotherapy for pediatric obsessive-compulsive disorder.
J Clin Child Psychol ;2001 Mar;30(1):8-18
(13)WATERS TL,BARRETT PM,MARCH JS.
Cognitive-behavioral family treatment of chilhood obsessive-compulsive disorder: preliminary findings.
Am J Psychother 2001;(3):372-87.
(14)MARCH JS,MULLE K, HERBEL B.
Behavioral psychotherapy for children and adolescents with obsessive-compulsive disorder: an open trial of a new protocol-driven treatment package.
J Am Acad Child Adolesc Psychiatry,1994 March,33:3,333-41.
(15)MARCH JS,MULLE K:
OCD in children and adolescents:A cognitive-Behavioral Treament Manual.
Guilford press . 1998.298 p.
(16)MILLS J ,CROWLEY R:
Métaphore thérapeutiques pour enfants . desclée de brouwer éditeur.1995.
Therapeutic metaphors for children and the child within . brunner-mazel éditeurs.1986.
(16 bis)MILLS J: Métaphores thérapeutiques chez l’enfant.
Séminaire organisé par l’Institut Milton H Erickson de Paris les 23 et 24 Mai 1992.
(17) KEROUAC M. Les métaphores:contes thérapeutiques . éditions du III e millénaire Quebec.1989.
(18) LANKTON S,LANKTON C: enchantment and intervention in family thérapy:Training in Ericksonian approches. brunner-mazel éd.1986.New-York
(18 bis)LANKTON S.Métaphores thérapeutiques en hypnose Ericksonienne.
Séminaire organisé par l’Institut Milton H Erickson de Paris les 26 et 27 Oct 1991.
(19) BERNES J, BOUNES M:la relaxation thérapeutique chez l’enfant. masson éditeur.1996.
(20) OLNESS K ,KOHEN D. Hypnosis and hypnotherapy with children .3e edit.
Guilford press.New-york,1996.