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Hypnose et troubles dépressifs

Les troubles dépressifs : concepts et applications hypnotiques

Hypnose et troubles depressifs
Article ∙ Psychologie

1-Introduction

A la lumière de 18 années de rencontres et de travail thérapeutique avec des patients souffrants de troubles dépressifs, j’ai vu évoluer ma lecture de cette pathologie et mes approches thérapeutiques. L’hypnose s’est avérée d’emblée très pertinente, amenant les patients soit à une stabilisation avec une plus grande sécurité intérieure, soit à des changements, une nouvelle manière de fonctionner dans leur vie. Paul Watzlawick aurait parlé de changements de type 1 et de type 2 (32).


Dès le début de ma pratique, j’ai intégré l’hypnose dans un cadre écosystémique permettant de prendre en compte les différents éléments en jeu : le patient, son entourage et les autres traitements en cours. En activant au mieux les ressources de chacun tout en considérant les résistances à chaque niveau.
Très rapidement, la place des antidépresseurs est devenue centrale dans ma réflexion. L’expérience de l’association psychothérapie hypnotique-antidépresseurs ne semble pas plus efficace que la psychothérapie seule. Il apparaît même que dans le cas d’association, le patient attribue les améliorations aux psychotropes plutôt qu’à ses propres ressources. Ceci m’a conduit à utiliser de moins en moins les antidépresseurs en particulier lorsque j’ai proposé à certains patients dépressifs d’attendre quelques jours avant une prescription.


Lorsque de premières évolutions apparaissent dans ce laps de temps, très souvent en fait, le patient peut s’en attribuer le mérite et retrouver un début de confiance dans ses propres ressources. Il établit aussi une confiance dans l’interaction avec le thérapeute.
Peu à peu, les psychotropes sont devenus un traitement de deuxième intention pour la plupart des troubles dépressifs. L’hypnose, associée à différentes stratégies de thérapie brève, prend la place centrale dans le dispositif de soin.


Cependant, face à certaines dépressions présentées d’emblée par le patient, ou en cours de thérapie, il reste indispensable de recourir aux antidépresseurs en première intention, l’hypnose n’étant ici qu’un appoint. Le plus souvent, ce choix est conditionné par l’inquiétude que je ressens chez le patient… et en moi. Par la crainte que survienne chez ces patients très instables une catastrophe immédiate et en premier lieu, un geste suicidaire. C’est en 91 que j’ai « découvert » la théorie du chaos qui m’a permis, quelques années plus tard, d’associer ces dépressions instables avec un processus chaotique. Or la théorie du chaos, si elle décrit cette instabilité, décrit aussi les changements et adaptations imprévisibles qu’elle génère. Le chaos amène, au-delà de l’instabilité, vers un mode de fonctionnement de nouveau équilibré mais différent de ce qu’il était avant cette phase de chaos.


Cette conception qui se retrouve dans tous les systèmes dynamiques complexes, dont le vivant est le plus bel exemple, m’a permis d’adopter une lecture beaucoup plus positive des phases dépressives. En effet, sous cet éclairage, une partie au moins des dépressions devient une phase, certes douloureuse, mais aussi nécessaire dans le cycle de vie pour s’adapter à des situations devenues intenables.


Ceci vaut particulièrement pour les dépressions aiguës, récentes et d’évolution rapide. Et pourtant nombre des dépressions sont chroniques, stables, interminables. Une grande partie des dépressions nécessite des traitements de longue durée, parfois à vie. C’est bien une des questions fondamentales : comment la dépression devient-elle chronique ? Pourquoi ne guérit-elle pas dans la phase aiguë ? Comment ce phénomène chronique, peu connu ou peu décrit il y a trente ans, est-il devenu un tel problème de santé publique (35)? Ou encore, comme le dit Philippe Pignarre, « Comment la dépression est-elle devenue une épidémie ? » (19). Nous disposons pourtant aujourd’hui d’une pharmacopée théoriquement puissante et inconnue de nos maîtres. Et malgré cet arsenal impressionnant, dans nos cultures, la prévalence des dépressions et des suicides ne cesse d’augmenter.

Doit-on y voir la responsabilité de la société, doit-on discuter les stratégies thérapeutiques ?


Après avoir intégré le chaos dans mes outils d’observation, il est devenu plausible de penser le chronique comme un échec des traitements en aigu. Ou, inversement, après quelques années de traitement de troubles dépressifs chaotiques, de constater le très faible taux de rechute, le très faible taux de stabilisation des troubles.


Ce qui conduit à proposer dans tous les cas de troubles dépressifs chroniques stables, une réduction rapide puis un arrêt des antidépresseurs, sous couvert d’un traitement hypnotique. Précisons ici immédiatement que, dans les rares cas où une prescription devient indispensable, je travaille en collaboration étroite avec des confrères compétents dans ce domaine. Précisons aussi que dans les phases très intenses, très « chaotiques », les consultations sont très rapprochées : parfois je revois le patient le lendemain, souvent c’est deux ou trois jours plus tard, et jamais plus d’une semaine.
C’est ainsi que, d’année en année, j’ai observé que, dans une très grande majorité des cas, les troubles dépressifs qu’ils soient aigus ou chroniques, peuvent présenter rapidement des évolutions très satisfaisantes pour les patients. Et ce, malgré l’absence d’antidépresseurs, ou peut-être grâce à leur absence ?
Il est évident que cette attitude est différente des stratégies médicales habituelles qui, tout au contraire, tendent à voir dans les antidépresseurs, le premier et souvent le seul remède pour « supprimer » la dépression (11). Cette attitude qui s’est développée progressivement depuis 30 ans, est de plus en plus discutable. Lors du 4e forum de la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapies Brèves à St Malo, un débat passionnant et difficile a eu pour thème : « hypnose et antidépresseurs ». Le Professeur Millet, psychiatre à Rennes, évalue à 20% les dépressions qui doivent systématiquement recevoir en première intention un traitement chimique. Autrement dit, dans 80% des cas, une position différente serait tout aussi pertinente! Nous en sommes bien loin aujourd’hui.
Mais l’information la plus importante est dans ce courrier que tous les psychiatres et médecins généralistes ont reçu de la part de l’Afsapps (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Voir www.afssaps.sante.fr) ce mois de mars 2006. La prescription d’antidépresseurs est à éviter chez tous les enfants et adolescents. Des études multiples ont en effet montré une efficacité meilleure des psychothérapies et une augmentation du risque suicidaire en cas de traitement antidépresseur.


Nous voyons avec ces quelques éléments que la description du traitement hypnotique de la dépression est à placer dans un cadre plus vaste qui contient la chimiothérapie. Dans les stratégies thérapeutiques que nous proposons, cet aspect sera largement abordé.


Mais avant de parler de traitement de la dépression, encore faut-il savoir de quoi nous parlons : que décrivons-nous sous ce concept de dépression ? Comme le disait Einstein « c’est la théorie qui décide ce que nous pouvons observer ». Quant à Erickson, il disait « observez, observez, et observez encore ». Mais, quelle était sa théorie ? On le disait « a-théorique ». Rien n’est moins sûr. Au contraire, il est certain qu’une des bases théoriques d’Erickson reposait sur les ressources de chaque individu. Base théorique qui le conduisait à développer toutes les techniques permettant d’utiliser et de développer ces ressources, avec au premier plan l’hypnose.

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