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Entre le monde des vivants et le monde des morts

Les phases de transe hypnotique permettent d'établir un contact entre deux mondes, celui des vivants et celui des morts. Le Dr. Claude Virot aborde ici la magie de l'hypnose.

monde vivants morts
Article ∙ Deuil

« Elle est là, elle me regarde… elle a l’air en colère ». C’est ainsi que Julie décrit sa grand-mère qu’elle « rencontre » au cours d’une transe hypnotique. Julie parle au présent de cette grand-mère décédée depuis 13 ans. Pour la première fois Julie rétablit un contact avec cette grand-mère “qui était la seule qui me comprenait”. Magie de l’hypnose.

  • Je veux mourir

Julie est une jeune femme de 30 ans dont l’état actuel est critique. « je veux mourir ».Elle connaît des troubles dépressifs depuis l’âge de 18 ans : plusieurs épisodes et une tentative de suicide se sont déjà succédés.

Elle est actuellement en plein changement de cycle de vie : la création d’un commerce avec son mari. C’est d’ailleurs ce dernier qui, soutenu par les parents de la jeune femme, lui propose de “faire de l’hynose”, face à l’échec des précédentes stratégies thérapeutiques.

Lors de notre première rencontre, les propos de Julie sont noyés dans un contexte d’épuisement, de larmes, d’angoisse, de culpabilité. Son mari est présent, ils se connaissent depuis 10 ans, il l’a vu aller mal plusieurs fois.

L’épisode actuel a commencé il y a près d’un an. Un syndrome dépressif “classique” – Tristesse, perte de l’élan vital, idées morbides – est apparu et s’est aggravé rapidement malgré les psychotropes et une psychothérapie de parole. Il y a 5 mois, elle tente de se suicider et est hospitalisée pendant 2 mois. Elle en sort plus ou moins stabilisée : des symptômes aigus réapparaissent aujourd’hui : crises d’angoisse, inhibition psychomotrice et surtout un désir de mort très important.

Comme avec chaque patient, lors du premier entretien, je réalise un génogramme per- mettant de situer les personnages principaux autour de cette jeune femme et surtout les relations qu’elle entretient avec chacun d’eux. En voici quelques lignes : Julie est mariée depuis 3 ans, elle n’a pas d’enfants car elle se sent trop fragile. Si avec son père, la relation est plutôt neutre, avec sa mère, elle est difficile. Julie a également un frère et une sœur avec lesquels elle entretient une relation simple. Ses grands parents paternels sont en vie. En revanche, du côté de sa mère, ils sont décédés. Le grand-père, « il y a longtemps ». La grand-mère, lorsqu’elle avait 17 ans.

« Le problème c’est que je vis très mal, je ne comprends pas pourquoi, tout va bien, on va créer un commerce avec mon mari. C’est mon rêve depuis des années. »

  • Vers une hypothèse unique

A la fin du premier entretien, je retiens deux impressions.

Le premier concerne le diagnostic lui-même, rendu très difficile par les doses importantes de psychotropes qu’elle prend depuis plusieurs mois. Lorsque j’évoque cette difficulté avec eux (car la présence du mari est ici essentielle), tous deux s’accordent : les médicaments ne changent rien. Elle a même de plus en plus de mal à penser, raisonner, être en relation avec ses proches. Lorsque je leur propose de réduire puis d’arrêter les antidépresseurs rapidement, sous couvert de séances d’hypnose et d’anxiolytiques, ils sont immédiatement d’accord. Nous diminuons ses anti-dépresseurs par deux.

Je n’évoque pas avec eux la deuxième sensation que je vous expose ici.

Si les troubles sont majeurs depuis plusieurs mois, des épisodes du même genre sont déjà apparus à partir de 18 ans. On peut imaginer et peut-être trouver des causes différentes pour chaque épisode. Mais, d’une part, elle remarque que parfois, « c’est apparu comme ça, sans raison”. D’autre part, il me paraît toujours intéressant de raisonner en terme d’unicité et de poser l’hypothèse d’un seul et même processus à l’oeuvre, ici depuis 12 ans. Dans cette perspective, le génogramme et la notion de cycle de vie prennent toute leur force. L’apparition de troubles quelques mois après le décès de cette grand-mère, leur récurrence, les propos tenus lors de ce premier entretien me font suspecter une pathologie très particulière du deuil : la constitution d’un fantôme. Cependant, les arguments sont encore ténus.

Cinq jours plus tard, le deuxième entretien prend une toute autre tournure. Je la reçois seule ; elle se sent toujours aussi malheureuse et angoissée, mais Julie est plus lucide (réduction des anti-dépresseurs ?). L’échange est plus stable sur le plan émotionnel jusqu’à ce que j’aborde de nouveau le décès de sa grand-mère. « Cela a été difficile, elle était la seule à me comprendre, elle n’est plus là pour m’aider… je voudrais la rejoindre. Mais, ce n’est pas le problème, j’en ai déjà parlé ». Julie s’effondre de nouveau en larmes. “Je ne comprends pas pourquoi je réagis comme cela, ça fait 12 ans. Même si c’est tou- jours compliqué avec ma mère, il y a mon mari, des amis, des projets…” Le risque ici serait de ne pas explorer complètement cette hypothèse de deuil pathologique et de glisser de nouveau vers la douleur ici et maintenant, douleur incoercible, envahissant tout l’espace de la thérapie et de la réflexion.

Ce qui va suivre au cours de cet entretien nécessite un détour quelques années auparavant.

  • Rites, pratiques et traditions

J’ai commencé mon exercice libéral en 1988 et pendant une dizaine d’années, j’ai rencontré des patients présentant des troubles récurrents, sans aucune raison visible, sans lien apparent avec la vie actuelle. Des patients avec qui toute forme de thérapie échoue. A cette période, j’avais peu à peu intégré ces échecs comme une part normale de l’exercice d’un psychiatre mais, au fil des ans je constituais une liste…

En 1997, j’ai eu la chance d’assister aux consultations d’ethnopsychiatrie de Tobie Nathan à l’Institut Georges Devereux de St Denis. Beaucoup de patients sont originaires d’Afrique occidentale et d’Afrique du Nord. Au fil des consultations, “l’omniprésence” des morts me frappe : l’importance extrême de la relation entretenue entre ces patients et leurs morts, récents ou plus anciens. Nombre d’entre eux souffrent d’une mauvaise relation avec un ou plusieurs morts : ils sont coupables de ne pas avoir bien faits les rituels, le mort est en colère, l’esprit du mort n’est pas parti… De la réparation de ces relations dépend la guérison. J’assiste à ces thérapies étranges comme un spectateur devant une émission pas sionnante d’ethnographie, très intéressé par la manière dont les cultures différentes se construisent. Ceci ne s’applique en aucun cas à mes patients Bretons, occidentaux, judéo-chrétiens. Ils enterrent leurs morts, font leur deuil plus ou moins facilement – parfois avec mon aide – et passent à autre chose dans leur vie.

Un jour, Tobie Nathan me demande de présenter à l’équipe un aspect original de l’ethnologie bretonne, afin de partager nos connaissances. J’envisage de parler des menhirs et dolmens, des pierres, quand, un soir, à la gare Montparnasse, mon attention est attirée par un livre dont j’ai déjà entendu parler dans mon adolescence : “La légende de la mort au temps des bretons armoricains” d’Anatole le Braz, publié en 1893. Dans le train entre Paris et Rennes, je lis l’ouvrage et vais de stupéfaction en stupéfaction. Les histoires rapportées par le Braz sont complètement superposables à celles que j’entends dans les consultations, celles des noirs africains. Toujours bien préparer la mort, la sienne et celle des autres, bien accompagner le futur défunt, respecter scrupuleusement les rituels, aider l’âme du mort à partir, vérifier lorsque qu’un proche devient malade après un décès que l’âme du mort est bien partie… Et se méfier des mals-morts (accidents, suicides…). Les prètres sont les personnages de premier plan.

Au fil des pages, je découvre de nombreuses prescriptions à respecter pour permettre aux vivants de vivre en paix et aux morts d’atteindre rapidement et dans de bonnes conditions le monde des morts.

Évidemment, ce sont des traditions un peu obscures, transmises de bouche à oreille lors des veillées mortuaires, lorsque l’esprit des uns et des autres est perturbé, affligé. Nous sommes maintenant en 1997, à l’aube du 3e millénaire, dans un monde où la logique cartésienne, la rationalité, le matérialisme ont, heureusement, balayé toutes ces vieilles croyances. Pourtant, lorsque mes patients décrivent leurs difficultés, leurs peurs, leurs douleurs, leurs morts, peu à peu, une question s’impose à mon esprit. Ces croyances ont-elles disparu ou sont-elles seulement devenues secrètes?

  • La mort enfouie

En orientant les entretiens sur ces questions, je découvre que la plupart des gens localisent les morts dans un au-delà, parlent de la présence ou de l’absence du mort dans leur vie actuelle. Ils décrivent les gestes accomplis et les paroles prononcées au moment du “passage”, l’importance des cérémonies, l’importance d’être présent dans ces moments où des souffrances difficiles à guérir naissent : “ Je n’ai pas pu être là quand il est mort”, “On ne m’a pas prévenu qu’elle allait mourir”, “Je n’étais pas préparée”, “C’est comme s’il avait disparu, comme s’il n’avait jamais existé”. En m’intéressant prudemment à ces moments essentiels, à ces relations des morts et des vivants, apparaît une dimension que j’ignorais complètement dans mon exercice. Jusqu’alors, je focalisais mon travail sur la guérison de la dépression, un peu de la même manière que toute autre dépression.

Je suis pourtant breton et j’ai grandi dans ces traditions. Enfant de choeur, j’ai participé à de très nombreuses cérémonies funéraires ; j’ai accompagné le curé faire les extrêmes onctions ; ma mère m’emmenait souvent faire la visite obligatoire (au mort). J’ai participé à des veillées mortuaires où les proches vivants alternent le plus profond chagrin et des phases de fou-rire “nerveux”, sorte de chaos émotionnel. Toute cette culture était enfouie en moi, recouverte par la formation médicale, la formation de psychiatre, la culture moderne qui craint tellement la mort, les morts, qu’elle les oublie le plus vite possible. Et cette culture enfouie refait surface, dès que je prends le temps de l’observer avec mes patients. Ce temps de l’observation, de mise en confiance suffisante pour que ces patients abordent des idées, des sensations, des erreurs, des situations jamais dites, jamais racontées, juste enfouies.

Qui est mort ?

M. T à bientôt 50 ans. Il est perturbé depuis longtemps et a entrepris plusieurs thérapies dont une analyse pendant 5 ans. Il va mieux dans sa vie mais il y a quelques mois, il a présenté une phase de dépression aigue très sévère, dépression chaotique. Il a traversé cette dépression, a effectué des adaptations, des changements et il va de nouveau plutôt bien. Mais pas tout à fait, “je ne vais jamais tout à fait bien, il y toujours une sorte de voile. C’est comme ça depuis que je suis tout jeune.” Je lui demande de préciser quand. Après quelques hésitations, il situe le début de ce malaise à 13 ans, sans raison particulière, peut-être une période plus difficile avec son père. Je prolonge la réflexion sur cette phase de sa vie : “ Y a-t-il eu quelqu’un de malade dans votre entourage? Quelqu’un qui serait mort? » Presque immédiatement, il s’effondre en larmes. Sa grand-mère est décédée, celle chez qui il a vécu plusieurs années, celle qui assurait la cohérence familiale. Elle s’est effondrée un jour devant lui, inconsciente. Il a d’abord paniqué plusieurs minutes puis a demandé de l’aide aux voisins qui ont appelé les pompiers. Mais elle était déjà morte, rupture d’anévrysme et hémorragie cérébrale massive. Personne n’aurait pu la sauver. Situation particulièrement traumatisante pour ce garçon de 13 ans, très attaché à sa grand-mère. Et suffisante pour le troubler. Pourtant, depuis 37 ans, il n’a jamais parlé de cet épisode, personne ne l’a questionné, et cet évènement ne lui est jamais venu à l’esprit durant ses thérapies. Il n’y pensait pas, simplement, une dissociation le protégeant, protégeant sa famille et amplifiée par la culture actuelle. Rechercher la présence d’un mort, lui donner le temps de lever cette dissociation simple, lui a permis de retrouver cette grand-mère disparue, absente.

Quelques jours plus tard, au cours d’une nouvelle consultation, il se décrit extrêmement soulagé et heureux d’avoir fait de nouveau le lien avec cette grand-mère. Il a déjà organisé un déplacement pour faire une visite au cimetière où il n’est jamais retourné depuis trente ans.

Ceci tend simplement à mettre en évidence que la culture de la relation aux morts, les prescriptions “ de bon sens” des anciens Bretons, celle encore actuelle des cultures tradi- tionnelles non occidentales sont là, encore aujourd’hui, comme un arrière fond dont il convient de ne pas parler. Cette culture, ces traditions, ces valeurs, ces émotions fonda- mentales sont là, juste recouvertes d’une fine couche de terre nous amenant à trébucher à chaque instant.

  • Le deuil, un processus dans le temps

Revenons maintenant avec Julie au cours de ce deuxième entretien. En focalisant son attention sur sa grand-mère, sur leur relation, son décès, Julie accepte peu à peu de décrire des choses dont elle ne parle jamais, “de peur qu’on me prenne pour une folle”. “Ma grand-mère, c’était tout pour moi, je pouvais tout lui dire, elle me comprenait. » Un jour, elle est tombée à la maison, une chute banale et l’ambulance l’a emmenée à l’hôpital. Mais l’ambulance a eu un accident dans un mauvais virage et la grand-mère est morte. Julie est terrassée, incapable de voir le corps de sa grand-mère, incapable de lui parler, de la toucher, de l’embrasser une dernière fois (elle répond par monosyllabes aux questions précises que je lui pose). Elle semble bien surmonter le drame et la dépression qu’elle fait un an plus tard est attribuée à un chagrin d’amour passager. Personne – elle non plus – n’évoque un deuil retardé.

Deux critères sont fondamentaux dans la constitution d’un fantôme : plusieurs mois voire deux à trois années entre la mort et l’apparition des premiers troubles, et l’attribution de ces premiers troubles à une cause banale. Lorsque les troubles suivent immédiatement le décès, la pathologie du deuil est plus évidente et un lien est fait entre ces deux phénomènes. On pourra éventuellement voir se développer un mort envahissant ou un mort absent – comme pour Mr T – mais le lien sera rapidement fait pour peu qu’on regarde du côté des morts.

La première dépression de Julie, à l’âge de 18 ans a été résolue en quelques semaines. Julie développe par la suite 3 autres états dépressifs plus ou moins sévères, dont une tentative de suicide médicamenteuse qualifiée d’appel à l’aide.

Julie s’habitue à sa fragilité, aux cures d’antidépresseurs qui l’aident à surmonter ces pha- ses. Elle a fait deux thérapies, chacune pendant deux ans, elle a beaucoup parlé. Elle rencontre un homme dont elle est très amoureuse, un homme qui l’aide, qui reste très présent dans les moments difficiles. Sa famille et le corps médical s’en tiennent à une constitution fragile, une grande sensibilité.

Mais l’épisode actuel prend une autre tournure : il est sévère, durable, et résiste aux anti- dépresseurs et à l’hospitalisation. De plus, il apparaît dans un contexte où sa vie prend une orientation très favorable. Viennent alors des hypothèses de trouble bipolaire, de dé- pression endogène, de trouble psychotique tant sa souffrance est profonde et son com- portement étrange.

  • Une perte absolue

Dans notre échange, Julie dit aller mal depuis la disparition de sa grand-mère. Pour elle, il est inutile d’en parler, « ça ne la fera pas revenir ». En fait, Julie souhaite la rejoindre. C’est dans ce sens qu’elle à fait une première TS il y a quelques années, et une autre il y a quelques mois. “Je n’irai bien que quand je serai avec elle”. Elle n’a jamais tenu ces propos auparavant. Je lui demande alors quelle relation elle a gardée avec sa grand-mère. Aucune, répond-elle. Elle n’en a jamais eu. Sa grand-mère a simplement disparu, elle est partie et l’a abandonnée. Autrement dit, Julie ne perçoit plus cette relation qui permet aux vivants de s’adresser à leurs morts, mentalement, de leur demander de l’aide, du soutien des idées. Qui permet aux vivants de sentir la présence des parents défunts, des grands parents, devenus des ancêtres qui aident chacun à faire son chemin. Julie ne perçoit aucune présence de cette grand-mère à l’intérieur d’elle. A l’inverse, beaucoup de gens montrent leur coeur lorsque vous leur demandez “Où est-il maintenant?”, ils répondent : « il – elle – est à l’intérieur de moi, comme une force, comme une chaleur ». Ou encore : « je sens sa présence près de moi quand j’en ai besoin ». Rien de tout cela pour Julie, juste le froid, le vide, l’absence. Juste la mort.

  • L’avenir des morts

« Que deviennent les morts après?” A cette question, nombreux sont ceux qui affirment qu’il y a probablement un autre monde, un au-delà, un lieu où se retrouvent les esprits, les âmes de ceux qui sont partis. Un lieu où chacun ira un jour et retrouvera les siens. Voici une position particulièrement non scientifique, non prouvée. La position scientifique parle de mort biologique. Après la mort, il n’y a rien. Le corps se dégrade et c’est fini. La science s’occupe du corps et décrit parfaitement cette fin de la vie. Elle décrit si bien cette fin brutale et terrorisante, ce vide futur qu’elle a mis en place des moyens très impressionnants pour retarder au maximum cette échéance, même quelques jours, même quelques heures, quel qu’en soit le prix. Mais les gens, vous et moi, confrontés à la mort, à la transmission, à la succession des générations ne sont pas scientifiques. Les gens parlent d’un autre monde. Tous les gens? Non. Depuis que j’aborde ce thème, une poignée affirme très nettement qu’après la vie, il n’y a rien. Ce sont surtout des médecins. Une minorité des médecins cependant. Mais, même si l’immense majorité des gens croit à un autre monde, cela n’en fait pas une réalité scientifique et à cet endroit commence le débat entre la démarche scientifique et la démarche thérapeutique. Quelle que soit notre conception, dans tous les cas, il me semble que la position éthique du thérapeute est d’accepter la réalité du patient et ses croyances, de l’accompagner dans sa guérison en respectant ses convictions. C’est pourquoi je pose toujours cette question. Je vais plus loin avec les patients qui se disent convaincus de l’existence d’un autre monde. Car si personne n’en sait rien, c’est tout de même très pratique de se représenter les défunts “quelque part”, de combler le vide dans notre monde intérieur. En particulier lorsque j’invite le patient à parler de la relation qu’il entretient avec le mort.

Pour Julie, sa grand-mère est dans un autre monde, inaccessible aux vivants. Elle la re- trouvera quand elle même sera morte. C’est sa seule voie de soulagement, elle en est de plus en plus convaincue. Elle est cependant d’accord avec l’idée que la plupart des gens gardent une forme de relation, de communication, au moins par la pensée avec ceux qui sont dans ce monde invisible. Elle est aussi d’accord avec l’idée que si elle pouvait percevoir la présence réconfortante de sa grand-mère en elle, si elle pouvait sentir sa présence, ce serait important.

  • La notion de fantôme

La grand-mère de Julie est devenue un fantôme. Pourquoi faire appel à une telle entité particulièrement troublante dans notre culture ? Les fantômes, on le sait, n’existent pas. Ce sont des élucubrations ésotériques hors de tout domaine scientifique. Lorsque je me suis intéressé aux morts, il y a une dizaine d’années, j’ai rencontré beaucoup de situations relativement simples avec des morts envahissants ou absents. Puis j’ai retrouvé ma liste et les observations de ces patients. Presque tous les génogrammes montrent une mort particulière : “mon petit frère écrasé quand j’avais 10 ans”, “mon fiancé noyé sous mes yeux”, “mon grand-père dont je n’ai appris la mort qu’un an plus tard”… Si ces morts sont bien sur ma feuille, ils n’ont éveillé aucun intérêt particulier pour moi. Ces morts sont énoncés comme des faits, plus ou moins anciens, sans émotion, sans rapport avec les troubles actuels. Autrement dit, si ces morts sont inscrits sur cette feuille, je le dois à cette technique du génogramme systématique. D’eux-mêmes, les patients n’auraient pas parlé de cet évènement. Cette neutralité traduisant l’absence de lien émotionnel perçu. L’hypothèse est alors que ces morts sont à la fois totalement absents tout en étant extrêmement présents au point de générer une pathologie centrale dans la vie du patient. Un mort à la fois présent et absent…un fantôme.

Fantôme ? Mes premières recherches partent d’un livre écrit en 1985 par Didier Dumas, “l’ange et le fantôme”. Puis je me tourne vers deux psychanalystes, Nicolas Abraham et Maria Torok. Ils publient en 1978 un article “Deuil ou mélancolie” où est décrit d’une manière frappante ce que j’observe de mon côté avec mes outils systémiques et hypnotiques. Ils écrivent :

« Il ne sera plus question de faire état devant un tiers du deuil dont on est frappé. Tous les mots qui n’auront pu être dits, toutes les scènes qui n’auront pu être remémorées, toutes les larmes qui n’auront pu être versées, seront avalés, en même temps que le traumatisme, cause de la perte. Avalés et mis en conserve. Le deuil indicible installe à l’intérieur du sujet un caveau secret. Dans la crypte repose, vivant, reconstitué à partir de souvenirs de mots, d’images et d’affects, le corrélat objectal de la perte, en tant que personne complète, avec sa propre topique, ainsi que les moments traumatiques – effectifs ou supposés – qui avaient rendu l’introjection impraticable. Il s’est créé ainsi tout un monde fantasmatique inconscient qui mène une vie séparée et occulte. Il arrive cependant que, lors des réalisations libidinales, « à minuit », le fantôme de la crypte vienne hanter le gardien du cimetière, en lui faisant des signes étranges et incompréhensibles, en l’obligeant à accomplir des actes insolites, en lui infligeant des sensations inattendues. »

Ainsi des voies vraiment différentes amènent à observer des phénomènes très semblables : les traditions africaines ou Bretonnes, un regard systémique et hypnotique et maintenant une conception psychanalytique. Bien sûr, au-delà de l’observation, les théories et les pratiques thérapeutiques seront très différentes. Mais il est aussi très fécond de se pencher sur ce qui les réunit. D’autant qu’en anglais, fantôme se dit phantom ou… phantasm.

Dans la réalité intrapsychique de certains sujets, dans des circonstances particulières, pourrait naître une entité virtuelle, dissociée du reste du psychisme : le “fantôme”. Autour de ce fantôme se constitue une sorte d’enveloppe qui le rend invisible. Abraham et Torok la comparent à une crypte contenant une entité très active. Comme si le psychisme arrive à faire disparaître le mort tout en le gardant vivant à l’intérieur de soi, comme une pseudo vie invisible. Et terriblement dangereuse car elle prend de plus en plus de place et génère de plus en plus de symptômes. Quel que soit le statut de l’observateur, nous nous accordons à dire que ces pathologies sont particulièrement difficiles à traiter, particulièrement résistantes.

Sur le plan pratique, j’ai commencé à aborder ces hypothèses directement avec le patient en utilisant ses propres croyances. « Quelques traditions décrivent certains cas où tout se passe “comme si” le mort était resté à l’intérieur du vivant, ne parvenant pas à se rendre au pays des morts. Le mort s’apparente alors à un fantôme “coincé” à l’intérieur de vous et générant de plus en plus de souffrance ». Curieusement, ce genre de propos rencontre une adhésion immédiate de la plupart des patients.

  • Rencontrer puis se séparer du mort grâce à l’hypnose

Vient ensuite l’étape la plus difficile : “en supposant que cette hypothèse soit juste, êtes- vous d’accord pour que votre grand-mère, votre fils, votre soeur, se sépare maintenant de vous pour partir dans le monde des morts? Bien sûr vous allez construire les liens qui vous manquaient avec lui. Vous pourrez y penser, l’imaginer, lui parler, le voir dans vos rêves”. Cette idée d’une nouvelle séparation est souvent très douloureuse et peut créer une phase d’angoisse. Si elle est contenue par le thérapeute, elle s’estompe en quelques minutes. Le temps pour le patient de s’imaginer cette nouvelle relation, d’accepter que chacun doit être à sa place : les vivants chez les vivants et les morts chez les morts, le temps de concevoir une vie différente. Si le patient est d’accord, je lui décris la stratégie hypnotique que nous pouvons utiliser. L’idée générale étant d’établir un contact avec le mort puis lui permettre de partir afin de construire une nouvelle relation équilibrée.

Julie retient immédiatement l’idée de revoir sa grand-mère, “même si c’est dans mon ima- gination. Depuis qu’elle est morte, je n’ai aucun souvenir de son visage, de son sourire.”

La première séance d’hypnose se déroule la semaine suivante. Je l’invite à lire “la source noire” de Patrice Van Ersel et à interrompre maintenant complètement son traitement anti- dépresseur. Parfois, j’invite le patient à lire « la Légende de la Mort » de Le Braz.

Le travail hypnotique que je vais décrire succinctement ici est le plus difficile de mon exer- cice. Il doit être mis en oeuvre par un thérapeute expérimenté dans la conduite de transes thérapeutiques, dans l’accompagnement de patients en deuil, dans sa propre attitude face à la mort, celle des autres et la sienne.

  • Un protocole ritualisé

Sur le plan technique, la séance d’hypnose présente 3 phases relativement classiques : dissociation, accompagnement, retour à la conscience critique. Contrairement à toute mon expérience hypnotique, ici, j’utilise une procédure très ritualisée. Elle a très peu varié depuis 10 ans et lorsque je parle d’hypnose avec ces patients, je sais déjà très précisément ce que je vais leur proposer. Cette procédure fonctionne bien et me rassure. En effet, pendant la transe peuvent apparaître des phénomènes d’angoisse ou de dépression très intenses et je tiens à créer un cadre très structuré pour me stabiliser et me permettre de rester calme si un moment très difficile survient.

La première phase consiste en une série de dissociations et de focalisations de l’attention. C’est un chemin avec plusieurs portes : d’abord ici et maintenant puis une respiration profonde pour passer dans le monde intérieur. Une rue en ville, une maison et une porte à ouvrir. Un couloir terminé par porte. Derrière, une pièce agréable (lieu sûr si besoin) et une nouvelle porte. Une zone toute blanche et en regardant bien, vous découvrez un point coloré. Vous vous en approchez : c’est une nouvelle porte. Maintenant vous réassociez votre gorge, votre bouche et vous décrivez cette porte.

Cette phase est très stéréotypée, très directive. Je l’imagine comme un chemin qui permet au patient d’arriver là où c’est utile pour lui, là où je ne dirige plus rien, dans son monde imaginaire. J’invite le patient à ouvrir cette porte. A partir de ce point, le patient dirige son parcours et me le décris à voix haute (souvent pas très haute). Je stimule son activité par des questions simples “que voyez-vous, qu’entendez-vous? Y a-t-il quelqu’un? ». La plupart des patients décrivent alors des lieux, souvent sombres, parfois très lumineux, souvent vides d’abord, rarement avec beaucoup de monde. Certains “rencontrent” leur mort dès cette première séance, pour d’autres, ce sera seulement dans une deuxième expérience.

Dans cette première séance, Julie arrive dans un jardin lumineux, puis des champs, une rivière, et au loin une fête. Elle s’approche et, de loin, elle voit sa grand-mère (larmes). Sa grand-mère ne la voit pas. Elle ne peut pas s’approcher plus. Je lui propose d’en rester là pour aujourd’hui et de continuer dans une autre séance. Elle est d’accord pour revenir.

Ici commence la succession inverse de réassociation qui, comme toujours, mais plus encore ici, devra être soigneuse. Franchir dans l’autre sens chaque porte et la refermer jusqu’à revenir ici et maintenant.

En reprenant contact avec la réalité quotidienne, il y a souvent une phase de larmes si le patient a vu la personne concernée. Rappelons-nous ici que dans une transe hypnotique, ce qui est perçu, “halluciné”, va prendre autant de force qu’un souvenir réel. Avec cette technique, les patients se rappellent parfaitement leur parcours intérieur.

J’utilise cette technique pour favoriser la rencontre. Une deuxième séance est habituelle- ment nécessaire pour la phase la plus chargée en émotion : la séparation. Elle consiste à inviter, ou à accepter que la personne décédée parte dans le monde des morts. Cet échange est souvent très lent, avec de très longs silences à respecter.

  • Bonjour et au revoir…

Julie retrouve sa grand-mère dans cette fête mais cette fois, celle-ci la voit et s’approche d’elle.

– “Elle me regarde… elle a l’air en colère. (larmes)

– Elle vous parle?

– … Elle me dit qu’elle est très en colère parce que je veux la rejoindre. Elle me dit qu’elle ne pourra rejoindre les siens que lorsqu’elle sera en paix. Lorsque je lui aurai promis de faire ma vie.” (larmes +++)

– Que répondez vous?

– …, …, je lui dis que je suis heureuse de l’avoir retrouvée. Je lui dis que je ne chercherai plus à mourir maintenant

– Que se passe-t-il maintenant?
– Elle me sourit (sourire). Elle me prend dans ses bras
– Et maintenant?
– Elle me demande si elle peut partir, elle me dit qu’elle veillera sur moi. (larmes) – Que lui répondez vous ?

– Je lui dis qu’elle peut partir mais que je voudrais la revoir de temps en temps

– “Elle me dit qu’elle est d’accord…, elle m’embrasse…, elle s’en va. (larmes +++)

…, …, elle est partie…

– Etes-vous d’accord pour revenir ici maintenant ?

– (petite voix) “Oui »

Cette phase avec sa grand-mère dure une dizaine de minutes pour ces quelques phrases et beaucoup de silences.

Commence alors la phase de réassociation telle que décrite précédemment. Au retour, Julie est épuisée émotionnellement mais très calme et très apaisée. Elle pleure et sourit en même temps puis sourit plus franchement. Et me dit “merci”. Je la revois une semaine plus tard, elle va très bien, se sent très légère, perçoit de nouveau les couleurs, les sons. Elle se sent “libre”. Elle a souvent pensé à sa grand-mère, avec des images. Elle a rêvé d’elle. Elles ont établi une relation satisfaisante entre une grand-mère et sa petite fille.

Cette évolution, rapide, “magique” est très habituelle. Elle est aussi très durable. Quelque chose est fini, quelque chose de nouveau a commencé. Julie n’a jamais eu de troubles depuis (6 ans).

  • Synthèse

Le parcours de Julie est caractéristique de cette pathologie très spécifique du deuil : la création d’un fantôme. Elle me semble relativement rare. Souvent, la description permet de repérer un mort envahissant, le patient y pense tout le temps, a gardé toutes ses affaires, calque sa vie sur les valeurs du disparu… Ou un mort absent avec une neutralité émotionnelle, comme s’il n’avait jamais existé, une absence d’images, d’objets, de souvenir.

Le fantôme est un peu comme le cumul de ces deux pathologies. Un mort absent dont le patient ne parle jamais, dont l’évocation n’amène aucune émotion, un mort oublié. Et un mort présent en permanence par les troubles qu’il génère, un mort qui perturbe au quoti- dien la vie du vivant. Enfermé dans sa crypte, le mort devient un hote permanent, résistant à l’épreuve du temps.

Le diagnostic est très difficile. Au début, je repérai ces fantômes chez de patients que je connaissais depuis des années. Souvent, après les séminaires de formation, des stagiaires me disent en avoir « découvert » quelques uns chez des patients très chroniques. Aujourd’hui avec de l’expérience et en étant encore plus attentif à chaque mort, je repère parfois ce genre de pathologie plus vite, parfois dès le premier entretien (ce qui est le cas ici). Mais pas toujours. Il est extrèmement facile de tourner autour d’une crypte sans la voir. Le plus souvent, il est nécessaire d’y penser et d’observer très attentivement. Comme disait Einstein « on observe que ce que l’on connaît ». Ce qui me fait dire souvent « quand vous ne comprenez plus rien, allez donc faire un tour chez les morts ».

  • Monde unique ou mondes multiples ?

Je prends toujours beaucoup de temps pour faire le diagnostic et pour laisser au patient le temps de décider ce travail. Je pense à une femme de 40 ans qui a attendu 6 mois pour s’occuper de sa grand-mère. Sans efficacité. Dans une deuxième séance, c’est sa mère décédée depuis 3 ans qu’elle a retrouvée… et son sommeil avec. C’est seulement lorsque ce diagnostic paraît pertinent que j’aborde les croyances du patient dans ce domaine. Comme je l’ai dit plus haut, la croyance dans un autre monde, ailleurs, un monde où on se retrouvera peut-être, est très forte. Elle est d’ailleurs encore plus forte dans les cultures traditionnelles non occidentales et quasi constante depuis l’aube de l’humanité. Depuis que nous enterrons nos morts?

Ceci ne prouve pas l’existence d’un au-delà et ce n’est pas le propos ici. Ceci traduit seu- lement comment notre imaginaire s’est construit pendant ces millénaires et comment il fonctionne encore aujourd’hui. Même si une conception nouvelle et probablement unique dans le temps et l’espace de l’humanité s’est développée depuis un siècle, au tournant du 20éme siècle.

A la fin du 19e, pendant que Anatole Le Braz recueille précieusement les traditions Bre- tonnes, de très grands esprits littéraires et scientifiques pratiquent ouvertement le spiri- tisme pour dialoguer avec leurs morts. Les traditions et rituels mortuaires sont scrupuleu- sement respectés. La durée du deuil est marqué par des vètements noirs.

A l’inverse, le 20e siècle annonce le modernisme triomphant : positivisme d’Arthur Comte, matérialisme, séparation toujours plus forte du corps et de l’esprit. Développement de la psychanalyse et disparition brutale de l’hypnose, aussi mystérieuse que celle des dinosau- res. Avec ce virage culturel, les morts ont perdu leur place centrale de structuration psy- chologique, leur rôle d’ancêtre. Les cimetières se sont éloignés des villages, les rituels se sont appauvris, les marques extérieures du deuil ont disparu. On ne parle plus des morts, on ne fait même plus savoir qu’on est en train de vivre cette période de fragilité qui permettait de recevoir certains égards de la communauté.

  • Les thérapeutes, les vivants et leurs morts

Mais, fondamentalement, rien n’a changé dans notre monde intérieur. Les mystères de la vie et de la mort sont les mêmes aujourd’hui qu’ il y a cent ans, mille ans. C’est le regard collectif sur la mort, les morts, sur l’après, qui a changé. Se sont développés le désintérêt ou l’inexpérience des soignants, des thérapeutes face aux bouleversements individuels, familiaux générés par une disparition. Nos patients n’osent plus en parler et les thérapeutes gardent leurs distances avec les morts. Et ainsi nous “fabriquons” des pathologies du deuil de plus en plus fréquentes et de plus en plus sournoises. Et les antidépresseurs n’y changent rien, ils contiennent ce que personne ne doit dire ni montrer.

Et pourtant, un autre virage est peut-être en cours. L’apparition des services de soins pal- liatifs, les soignants qui s’autorisent de nouveau à accomplir leur rôle d’aider les vivants jusque dans leur mort, et les publications qui se multiplient (voir par exemple le livre de Magali Molinié « Soigner les morts pour guérir les vivants ») traduisent probablement une correction d’une culture à monde unique. Comme si tout doucement, notre culture pouvait maintenant intégrer une conception plus large de la vie et de la mort incluant une réflexion sur des mondes multiples. Les recherches et débats sur les NDE (Near Death Experiences) ou expériences de mort imminente sont riches d’enseignement à cet égard. Le tunnel lumineux : processus physico-chimique protégeant le sujet ou fenêtre ouverte sur le monde des morts, sur l’au-delà?

  • Ecoute, paroles et transe

Si chacun sait bien qu’un décès génère très souvent des perturbations psychiques, chacun sait aussi que généralement les troubles disparaissent, les blessures guérissent, “la vie reprend le dessus”. En quelques semaines, quelques mois. Traditionnellement, on donne une année pour faire le deuil. Chacun sait bien aussi – et le monde des soignants particulièrement – que certaines personnes vont développer une pathologie plus ou moins sévère après un décès. Certaines de ces pathologies sont facilement repérables par leur proximité avec le deuil et font l’objet de l’attention des thérapeutes. Faire parler d’abord. Plutôt que prescrire et endormir un processus qui se réveille dès qu’on lui en laisse la possibilité. Faire parler de ce qui nous concerne tous, de la brutalité de la vie, de l’insupportable échéance, des blessures et déchirements. Les paroles permettent de nettoyer, favorisent les processus naturels de guérison individuels et collectifs.

Je dis bien : “faire parler” et pas seulement écouter. Parce que notre culture a appris à taire certaines choses qui concernent les morts, leur devenir et la relation que nous entretenons avec eux. Faire parler de cette relation, de ces liens rompus ou envahissants. Accepter qu’une bonne relation est essentielle avec chacun de nos morts. Ils ont une place dans notre vie quotidienne. Accepter que nos patients osent nous dire : “ quand je ne sais plus quoi faire, je demande à mon père. Et il m’aide”. Ou encore : “ De temps en temps, ma fille vient me voir, elle me demande comment ça va”.

Des mots que nos patients prononceront s’ils sont rendus acceptables par le thérapeute, si ce sont des possibilités “normales » avec un mort. « Les morts sont des invisibles, ils ne sont pas des absents” dit St Augustin.

Mais faire parler ne suffit pas lorsqu’un fantôme est constitué. Un apaisement temporaire peut apparaître, mais les troubles reviennent. Si le fantôme se constitue dans l’imaginaire, c’est dans et avec cet imaginaire que la guérison peut se faire. Avec nos ressources “ma- giques”. L’hypnose ici trouve toute sa place et sa pertinence en mettant en oeuvre un pro- cessus de guérison juste au niveau nécessaire pour le patient, en activant ses propres ressources, ses croyances, ses valeurs. Ceci suppose, non seulement que le praticien connaisse et pratique suffisamment l’hypnose, mais aussi que le thérapeute accepte les croyances, parfois étranges, des patients pour s’adapter à eux. Pour les accompagner dans des lieux étranges, aux confins de la science et de la culture, dans les zones de brassage de la tradition et de la modernité, quelque part entre le monde des vivants et le monde des morts.

 

BIBLIOGRAPHIE

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Les vivants et leurs morts.

Actes du 2e forum francophone d’hypnose et de thérapies brèves. Ed de l’Arbousier. 2001